Étude autour de la prise de risques routiers
SENSIBILISATION À LA PRÉVENTION ROUTIÈRE :
Éduquer une génération de manière ludique vers un avenir plus sûr.
DÉDICACES
À Clem, merci de m’avoir tant appris, de m’avoir fais grandir et de me permettre d’être quelqu’un de meilleur chaque jour, en continuant de te faire exister du mieux que je peux. Ta bonté et ton sourire manquent au monde. Avec tout mon amour, tu me manqueras jusqu’à l’éternité.
À Havane, sans ta force, je n’y serais pas. Merci de m’avoir sauvé la vie, bien plus que mes genoux n’ont pu sauver la tienne. Malgré la gravité de notre accident, je te suis profondément reconnaissante d’avoir pris une si grande place dans mon cœur.
À Kévin, parce qu’on a tout vu, ensemble. Parce qu’on se comprend et que sans toi, j’en serais pas là non plus. Merci pour tes rires, tes mots, je ne pouvais pas mieux vivre tout cela qu’avec toi.
Ce projet, il est pour vous, pour nous, et pour tous ceux qu’on peut aider.
Contexte et introduction
En France, la route tue et traumatise. Face à ce fléau, les victimes se retrouvent souvent seules et démunies. C’était mon cas, j’avais 18 ans lorsque je suis montée dans une voiture et que le conducteur a fait basculer la vie de mes trois amis et la mienne. L’une d’entre nous ne rouvrira plus jamais les yeux. Nous trois, les survivants, garderont un traumatisme et une blessure psychologique jusqu’à notre dernier souffle. Aujourd’hui, j’ai 24 ans, et après la terreur, la solitude, les cauchemars, l’anxiété, la perte de confiance en moi et en les autres, la dépression et le procès, il est temps d’agir pour protéger les vies de ceux qui n’ont pas conscience du danger et les potentielles victimes< à venir.
En effet, d’après le rapport français de la Prévention Routière, 237 000 personnes ont été blessées en 2022 sur les routes de France métropolitaine, dont 16 000 gravement avec 3 267 décès (parmi ces décès, plus de 90% sont générés par un dysfonctionnement lié à l’usager), avec notamment une moyenne de 101 tués par million d’habitants pour les jeunes de 18-24 ans. Ce bilan se trouve en hausse de 10,3% par rapport à l’année 2021, qui est-elle même une année sensible à la vue des circonstances sanitaires ainsi qu’aux confinements et aux restrictions annoncées par le gouvernement. En 2022, la France se trouve à la quinzième place de mortalité routière, sur 27 pays.
Un constat également terrifiant est que la majeure partie des personnes décédées sur les routes sont les jeunes de 18 à 24 ans avec une moyenne de 101 tués par millions d’habitants. Les victimes ont tendance à se sentir honteuses, seules et démunies face à l’ensemble de choses à faire suite à un accident, ainsi qu’à leurs émotions qui peuvent en découler, comme des traumatismes, des blocages, du stress post-traumatique, …
En effet, d’après Aurore Sabouraud-Séguin dans son ouvrage « 14. Accidents de la route », Marianne Kédia éd., L’Aide-mémoire de psychotraumatologie. En 49 notions. Dunod, 2013, le plan psychologique d’un accidenté de la route peut-être fortement affecté par l’anxiété, manifestée par une peur intense, des réticences à la conduire et/où aux voitures. Cela peut entrainer une dépression, ainsi que des troubles de stress post-traumatique, manifestés par une perte de confiance en lui-même, de la part de l’individu, accessoirisé de colère, de nervosité, de culpabilité et parfois des cauchemars et rêves troublants.
Ce bilan interpelle et inquiète, nous nous demanderons dans cet écrit comment, entre liberté individuelle et impératif collectif, il est possible de concilier la responsabilité personnelle des conducteurs et des usagers de la route avec la nécessité de réguler et de protéger la vie en société sur les routes de France, en s’axant, majoritairement sur la tranche d’âges de jeunes adultes (18-25 ans).
Nous nous permettrons d’aborder des sujets tels que la liberté, qu’elle soit individuelle, collective ainsi que ses limites, nous poursuivrons par les comportements de déviance, parlerons des principes et possibilités du libre arbitre, les recherches de possibilités d’amélioration par l’éducation et nous conclurons sur des possibilités de suivi et d’aide des victimes.
Il y a quelques mois, nous avons mis en place un sondage ouvert à tous et anonymes pour pouvoir déterminer plus où moins les enjeux et les raisons de ces accidents au dégâts matériels, corporels où vitaux. La plupart des réponses ont été accordées par une tranche d’âge plutôt jeune, cependant, des personnes plus âgées (de 30 à 60 ans) ont également répondu en racontant leurs histoires d’accidents routiers marquants, la plupart se sont produit dans leur jeunesse, lorsqu’ils étaient jeunes conducteurs. Nous avons pu poser des questions plus axées pour ce compte rendu. Dans celui-ci, 81% des personnes ont avoué avoir eu des interventions de la Prévention Routière durant leur scolarité en expliquant qu’ils ne les avaient pas trouvées adaptées, pas assez poussées, ont décrit un sujet « survolé » où n’avoir que peu de souvenirs.
De ce constat là, nous pouvons déduire que les interventions ne sont pas encore au point sur leur manière de mettre en garde et de sensibiliser les jeunes conducteurs. On y découvre également, dans ce sondage, que 27% ont tendance à effectuer, plus où moins régulièrement, des excès de vitesse, 37% à prendre la route après avoir consommé de l’alcool et/ou des stupéfiants, 75% avouent que le ou les accidents routiers auxquels ils ont été confrontés étaient le résultat d’une erreur humaine, 51% des personnes ont déjà vécu un accident et 81% ont eu un où plusieurs proches victimes d’un accident.
Ce constat est terrifiant et porte à questionnement, pourquoi, comment, et que faire pour améliorer ceci ? Sans compter que 61% de ces personnes déclarent n’avoir pas trouvé suffisamment de ressources à la suite d’accident et 73,3% avouent n’avoir plus que des séquelles psychologiques.
La liberté
Dans un premier temps, il est crucial de reconnaître que la liberté individuelle ne signifie pas l’absence de responsabilité envers autrui. John Stuart Mill souligne cela dans son principe selon lequel la liberté des uns doit être limitée dès lors qu’elle empiète sur la liberté des autres. Cela implique que, même dans un contexte de liberté individuelle, il y a des limites à ne pas franchir, en particulier lorsque les actions d’un individu peuvent causer préjudice à autrui.
Dans le domaine de la conduite, cette idée est particulièrement pertinente. La liberté de conduire un véhicule ne signifie pas la liberté de mettre en danger la vie d’autres usagers de la route. Les lois et règlements, comme le code de la route, sont des manifestations concrètes de cette idée. Elles établissent des normes de comportement qui visent à protéger la sécurité de tous les utilisateurs de la route. Cependant, il est important de reconnaître que la simple existence de règles ne garantit pas leur respect. Pour analyser et prévenir les comportements routiers dangereux, il faut adopter une approche multidimensionnelle.
Premièrement, une sensibilisation accrue est essentielle. Les campagnes de sécurité routière, les programmes éducatifs dans les écoles et les initiatives communautaires peuvent contribuer à informer les conducteurs sur les dangers potentiels de certains comportements et sur l’importance du respect des règles de circulation.
Deuxièmement, l’application effective des lois est cruciale. Les autorités doivent faire respecter les règles de manière équitable et cohérente, ce qui nécessite des mesures de contrôle efficaces et des sanctions appropriées pour ceux qui enfreignent les règles.
Troisièmement, des mesures de prévention proactive peuvent être mises en oeuvre pour réduire les risques sur les routes. Cela peut inclure l’amélioration de l’infrastructure routière, l’installation de dispositifs de sécurité et le développement de technologies de sécurité automobile avancées.
Enfin, la responsabilité individuelle joue également un rôle crucial. Chaque conducteur a la responsabilité de respecter les règles et de conduire de manière sûre et responsable. Cela peut être renforcé par des incitations positives, telles que des réductions d’assurance pour les conducteurs prudents, ainsi que par des sanctions dissuasives pour ceux qui prennent des risques inutiles.
En résumé, pour analyser et prévenir les comportements routiers dangereux, il est nécessaire de combiner des efforts de sensibilisation, d’application des lois, de prévention et de responsabilisation individuelle. En adoptant une approche holistique, il est possible de promouvoir une culture de la sécurité routière et de réduire les risques pour tous les usagers de la route.
La déviance
L’étude menée par Nadine Chauraud et Markus Brauer sur le principe de déviance offre une perspective intéressante sur les comportements humains qui s’écartent des normes établies par la société. Ils définissent la déviance comme un écart, qu’il soit objectif ou subjectif, par rapport aux règles d’un groupe ou d’une société.
Cette notion de déviance peut être perçue à la fois de manière positive et négative, en fonction du contexte et des conséquences de ces comportements. Dans le contexte routier, cette compréhension de la déviance prend une dimension particulière.
Tout d’abord, les chercheurs soulignent le rôle du conformisme,
où les individus peuvent être tentés de s’écarter des règles établies pour diverses
raisons sociales ou personnelles.
Par exemple, un conducteur peut choisir
de dépasser la limite de vitesse afin d’impressionner ses pairs ou de gagner
du respect dans un groupe. Ce comportement déviant sur la route peut également
être motivé par le désir de se démarquer ou de marquer son unicité, comme
le soulignent Chauraud et Brauer. Se comporter de manière déviante peut parfois
être perçu comme un moyen de s’affirmer et de gagner du pouvoir au sein
d’un groupe ou d’une société. Cela peut prendre la forme de prouesses
audacieuses au volant ou de défis de conduite risqués dans le but de se distinguer
des autres conducteurs.
Il est important de reconnaître que ces comportements déviants sur la route ne sont
pas nécessairement motivés par des intentions malveillantes, mais plutôt
par des motivations personnelles ou sociales complexes.
Par exemple, certains
conducteurs peuvent être poussés à prendre des risques pour se sentir vivants
ou pour rechercher des sensations fortes.
Cependant, il est crucial de souligner que ces comportements déviants peuvent
avoir des conséquences graves et mettre en danger la vie des conducteurs
et des autres usagers de la route. La recherche de sensation et de reconnaissance
sociale ne doit pas primer sur la sécurité et le respect des règles de circulation.
Enfin, l’étude de Chauraud et Brauer met en lumière les différentes motivations qui sous-tendent les comportements déviants sur la route. Comprendre ces motivations peut aider à élaborer des stratégies de prévention et d’intervention plus efficaces pour promouvoir des comportements de conduite sûrs et responsables.
Le libre arbitre et la prise de risque
L’ouvrage de Laurence Steinberg, «Risk-taking in Adolescence: New perspectives from brain and behavioral Science», soulève une problématique cruciale concernant le comportement à risque chez les adolescents. Les recherches en neurosciences du développement ont révélé un décalage temporel entre la puberté et la maturation du système de contrôle cognitif qui régule les impulsions. Ce décalage crée une fenêtre de vulnérabilité pendant laquelle les adolescents sont plus susceptibles d’adopter des comportements à risque.
Durant l’adolescence, la puberté est souvent associée à une recherche de sensations fortes, tandis que le contrôle cognitif, qui régule les impulsions, est encore en cours de maturation. Cette combinaison de facteurs crée un terrain propice aux comportements à risques, car les adolescents ont souvent du mal à évaluer correctement les conséquences de leurs actions et à exercer un contrôle sur leurs impulsions.
Dans ce contexte, il est intéressant de souligner l’approche proposée par Valérie F.
Reyna et Frank Farley dans leur recherche sur le comportement à risque chez
les adolescents.
Ils mettent en avant l’importance d’intervenir dès l’adolescence
pour prévenir et modifier les comportements à risque. Les programmes
de prévention devraient être basés sur une compréhension claire et descriptive
des normes sociales, ainsi que sur une prise en compte des motivations
et des objectifs des adolescents. Il est également crucial de reconnaître
que les interventions traditionnelles axées uniquement sur l’amélioration
de la précision des perceptions de risque peuvent être inefficaces.
En effet,
les adolescents ont souvent tendance à surestimer leur invulnérabilité et à minimiser
les conséquences négatives potentielles de leurs actions.
Par conséquent, les interventions doivent également prendre en compte les aspects
émotionnels et motivationnels qui influencent les comportements à risques.
En favorisant des résultats positifs à long terme et en mettant l’accent
sur la compréhension des normes sociales et des motivations des adolescents, il
est possible de réduire efficacement les comportements à risques et d’améliorer
la santé et le bien-être des jeunes. Cela peut avoir un impact significatif
sur la société en réduisant les maladies, les blessures et les coûts économiques
associés, notamment en ce qui concerne la mortalité routière.
Sensibilisation, victimes et jeu de société
Les victimes d’accidents de voiture font souvent face à un tumulte émotionnel complexe, comprenant des sentiments de peur, de culpabilité et de détresse.
Elles se retrouvent souvent isolées et démunies, confrontées à un long processus de reconstruction. Les séquelles psychologiques peuvent être profondes, allant de l’anxiété intense et des troubles de stress post-traumatique à la dépression et aux cauchemars troublants. Cette souffrance émotionnelle peut entraîner une perte de confiance en soi et entraver la reprise du contrôle de leur vie quotidienne.
Dans ce contexte, l’assistance aux victimes revêt une importance capitale, non seulement pour les soutenir dans leur rétablissement, mais aussi pour les guider dans leurs démarches administratives et juridiques.
De ce fait, le jeu offre une approche ludique pour sensibiliser et faire prendre
conscience de l’importance de la sécurité.
Comme le souligne Jessica Hammer
dans «Playful Learning: An Integrated Model for Designing Games to Learn»,
les éléments de conception du jeu pour l’apprentissage englobent plusieurs
aspects fondamentaux.
Les mécanismes de jeu décrivent les actions répétées
par le joueur tout au long du jeu, mettant l’accent sur l’apprentissage ou l’évaluation.
Le design esthétique visuel inclut l’apparence générale du jeu, les personnages
et la représentation visuelle des informations clés. La conception narrative englobe
l’histoire du jeu, non linéaire et influencée par les choix du joueur, offrant
un contexte et une motivation pour l’apprentissage. Le système d’incitation
comprend divers éléments motivants, tels que les scores, les badges
et les trophées, tandis que la bande sonore crée une ambiance et fournit
des retours auditifs sur les actions du joueur. Enfin, le contenu et les compétences
enseignées par le jeu déterminent les autres éléments de conception. Ces divers
éléments interagissent pour créer une expérience d’apprentissage ludique, adaptée
aux besoins spécifiques de l’apprenant. Face au constat alarmant de la mortalité
routière, en particulier parmi les jeunes adultes, il est impératif d’explorer
des solutions équilibrées entre la liberté individuelle et l’impératif collectif.
La liberté, bien que précieuse, trouve ses limites là où elle menace la vie et le bien-être d’autrui, comme l’a souligné le philosophe John Stuart Mill.
Dans cette perspective, le code de la route existe déjà, mais il est essentiel de
comprendre comment analyser et prévenir les comportements routiers dangereux.
L’étude de la déviance offre un éclairage sur les motivations derrière
les comportements à risque sur la route. La recherche de valorisation individuelle
et le besoin de se démarquer peuvent pousser certains à enfreindre les règles,
mettant ainsi en danger leur vie et celle des autres. Comprendre ces dynamiques
sociales permet de concevoir des interventions plus ciblées et efficaces.
Le libre
arbitre et la prise de risque, étudiés à travers les perspectives des neurosciences
du développement, mettent en lumière la vulnérabilité accrue des adolescents
et des jeunes adultes face aux comportements à risque. Modifier les contextes
plutôt que de tenter de changer la perception des risques peut être une approche
plus efficace.
Enfin, les résultats du sondage soulignent la nécessité d’améliorer les interventions
de la Prévention Routière, en particulier auprès des jeunes conducteurs.
Des ressources insuffisantes à la suite d’accidents et des séquelles psychologiques
non traitées soulignent l’urgence d’une prise en charge holistique des victimes.
Ainsi, pour concilier la responsabilité individuelle avec la nécessité de réguler
et de protéger la vie en société sur les routes, il est crucial d’adopter une approche
multidimensionnelle. Cela inclut des interventions éducatives adaptées,
une sensibilisation accrue, des révisions des programmes de Prévention Routière,
et un soutien continu pour les victimes.
En agissant de manière collective,
il est possible de créer des changements durables qui contribuent à réduire
la mortalité routière et à garantir la sécurité de tous sur les routes de France.
Sources et bibliographie
De la Liberté, John Stuart Mil, 1859 Revue Electronique de Psychologie Sociale, n°3, pp.9-13, Nadine Chauraud et Markus Brauer, 2008
Risk-taking in Adolescence : New perspectives from brain and behavioral Science, Laurence Steinberg, 2007
Risky Behavior in adolescents : the rôle of Learning and reasoning, Valérie F. Reyna et Frank Farley, 2006
Playful Learning: An Integrated Model for Designing Games to Learn Sabouraud-Séguin, Aurore. « 14. Accidents de la route », Marianne Kédia éd., L’Aide-Mémoire de psychotraumatologie. En 49 notions. Dunod, 2013